Praz-Delavallade
Pauline Bazignan , France
"Momentum"
Cène, Anthropocène : perspective
Le moment est venu. De quoi ? Pour quoi ? Vers quoi ? Ce sont les interrogations que font naître la nouvelle exposition de Pauline Bazignan, Momentum, où la Renaissance italienne avec l’invention de la perspective donne les clés de notre période Anthropocène. Ce mot, qui désigne l’action déterminante des humains sur la destruction de leur propre biotope, est en partie homonyme de La Cène (1495-1498) peinte par Léonard de Vinci à Milan. Pourtant la signification des deux mots est bien différente. « Cène » est la désinence d’une période géologique récente et La Cène de Leonardo vient de « cenare », dîner en italien. Mais la tapisserie d’ampleur, les quatorze nouveaux tableaux et les six sculptures de Pauline Bazignan rapprochent ces
deux sens en une pensée cruciale dont elle n’a pas eu conscience au moment de les créer. Son geste pictural est une vision : « Je crois vraiment au rôle médiuminique de l’artiste », disait Marcel Duchamp*…
Avec les moyens de la peinture, Pauline Bazignan pense l’urgence pour l’humain de quitter la place de surplomb que la commensuratio (la perspective) a construite. La Renaissance a en effet installé un monde mesurable dont l’humain est le maître. Il s’est mis à mesurer le monde dans la peinture mais aussi dans la réalité. Il le cartographie, il compte le temps avec l’invention de l’horloge mécanique. Il mesure le monde pour le posséder et l’exploiter. Dans Ultima 2 (2024) et dans Centre (2024), Pauline Bazignan subvertit ce surplomb. En ramenant les lointains, le paysage, à l’avant-plan du Christ. En donnant le rôle central au ruisseau dans ses toiles Tempête 6, 10, 11 d’après Giorgione. En reprenant aussi les panneaux de La Bataille de San Romano (1455-1460) de Paolo Uccello pour des versions où les girandoles prennent la place des chevaliers, où l’organique semble prendre le pas sur l’histoire.
Le motif des girandoles, ces éventails en cercle, est, depuis plusieurs années, au centre de la quête picturale de Pauline Bazignan dont l’eau est le médium privilégié. «Dans mon travail, c’est l’eau qui peint », dit-elle. L’eau est incolore et pourtant la peintre la désigne comme l’élément essentiel de sa palette, une substance sans pigment mais qui entraîne toutes les couleurs dans son sillage de formes, de signes et de coulures. Une eau qui donne vie aux tableaux comme elle donne vie au monde. Une eau que Pauline Bazignan replace sur le devant de la scène comme le moment fondateur d’un monde qui vient. Où l’humain tiendra sa place. Juste sa place.
-Texte d’Annabelle Gugnon
*Marcel Duchamp, en 1957, devant la fédération américaine des Arts, Houston, publié sous le titre « Le Processus créatif », l’Échoppe, 1987.
Exposition personnelle de Pauline Bazignan
Du 20 avril au 8 juin 2024
La galerie
Praz-Delavallade entretient une relation de longue date avec des artistes américains et européens dont les pratiques couvrent divers médiums. La galerie a été fondée en 1995 à Paris avec une exposition inaugurale comprenant des œuvres de Paul McCarthy, Mike Kelley, Richard Petitbon, Jim Shaw et Benjamin Weisman. En 1997, Praz-Delavallade faisait partie d'une scène artistique en plein essor dans le 13e arrondissement à l'est de Paris, aux côtés de Air de Paris, Almine Rech, Art: Concept, Jennifer Flay et Emmanuel Perrotin. En raison de ses liens étroits avec les artistes de Los Angeles, la galerie était connue pour apporter un programme international à la scène artistique parisienne en pleine croissance, en présentant des artistes tels que Sam Durant, Jim Isermann, John Miller, Analia Saban, Jim Shaw et Marnie Weber, entre autres. En 2010, la galerie parisienne a déménagé à son emplacement actuel au 5 rue des Haudriettes dans le Marais et a continué à soutenir les artistes de Los Angeles en exposant une nouvelle génération comprenant Matthew Brandt, Heather Cook, Chris Hood, Nathan Mabry, Joe Reihsen, Ry Rocklen et Amanda Ross-Ho aux côtés d'artistes européens tels que Soufiane Ababri, Pierre Ardouvin, Thomas Fougeirol, Maude Maris et Golnaz Payani. À l'automne 2016, Praz-Delavallade a ouvert une nouvelle succursale au 6150 Wilshire Boulevard, sur la célèbre artère de Miracle Mile, juste en face du Los Angeles County Museum of Art, dans le but de créer un lien entre les deux villes qu'elle considère comme chez elle.
Les artistes de la galerie
Soufiane Ababri, Pierre Ardouvin, Carlotta Bailly-Borg, Pauline Bazignan, Matthew Brandt, Phil Chang, Heather Cook, Sepand Danesh, Sam Durant, Thomas Fougeirol, Genevieve Gaignard, Chris Hood, Jim Isermann, Joel Kyack, Dan Levenson, Nathan Mabry, Maude Maris, John Miller, Amy O'neill, Adi Nes, Golnaz Payani, Joe Reihsen, Dario Robleto, Ry Rocklen, Amanda Ross-Ho, Analia Saban, Jim Shaw, Cole Sternberg, Marnie Weber, Johannes Wohnseifer