Nicolas Bourriaud

Curator

Nicolas Bourriaud, crédit - DR

Commissaire d’exposition, écrivain, critique d’art et théoricien mondialement connu notamment pour le concept d’esthétique relationnelle, Nicolas Bourriaud (né en 1965), a été co-fondateur et co-directeur, avec Jérôme Sans, du Palais de Tokyo à Paris de 2000 à 2006, co-fondateur des revues Documents sur l’art (1992-2000) et Perpendiculaire (1995-1998), a été conservateur pour l’art contemporain à la Tate Britain, professeur à l’université de Venise, chef de l’Inspection de la création artistique à la direction générale de la création artistique du ministère de la Culture. Il fut le directeur de l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris de 2011 à 2015, avant de fonder et diriger Montpellier Contemporain (MO.CO) entre 2016 et 2021. Actuellement directeur artistique de la prochaine Biennale de Gwangju.

Il m’arrive parfois de rentrer dans une galerie à l’aveugle, sans même savoir quel artiste y expose. À l’opposé de ces rendez-vous précis que sont les vernissages, où l’on vient célébrer ce que l’on connaît déjà, il y a cette errance, un domaine aléatoire de l’art contemporain. J’ai voulu ici lui rendre hommage en me livrant à l’exercice qui suit : repérer, dans la liste de Paris Gallery weekend, des artistes qui m’intriguent à première vue, mais dont je ne connais pas le travail. Bien sûr, j’aurais pu jouer le jeu et faire une sélection qui représente mes engagements ou mes goûts. J’aurais alors, sans doute, choisi Daniel Steegman Mangrané chez Esther Schipper, Clemens Von Wedemeyer chez Jocelyn Wolff, My Lan Hoang-Thuy à la galerie Mitterrand, ou Jürgen Klauke chez Tarasieve : vous pouvez y aller les yeux fermés ; mais je préfère évoquer ici celles et ceux qui m’intriguent, faire l’éloge de la dérive et de la promenade. On pousse une porte, on entre dans un univers — et quoi qu’il arrive, on aura toujours rencontré quelque chose ou quelqu’un. Grâce à son réseau de galeries, Paris est plus que jamais un lieu privilégié pour la découverte. Parmi les artistes dont je ne connais pas encore le travail, en voici trois.

Sabine Mirlesse (Andrehjn-Schipchenko)

Parcourons. Des œuvres installées au sommet du Puy de dôme, du bronze blanc, une artiste qui écrit des cartes postales aux volcans pendant la pandémie… Sur son site, la franco-américaine Sabine Mirlesse parle de “récits minéraux” et s’avère fascinée par le givre. Son travail, qui m’a échappé jusque-là, semble à la fois poétique et déterminé, animé par une sorte d’obstination aventurière qui fait défaut à nombre de jeunes artistes. Maintenant, j’ai hâte de voir tout ça “en vrai”.

Vimala Pons (Anne Barrault)

Elle, j’en connais au moins une facette: muse du cinéma français le plus déjanté et le plus créatif, cette actrice qui m’a toujours fait penser à Buster Keaton devait forcément cacher quelque chose sous son jeu impassible, derrière l’humour absurde qu’elle a distillé tout au long de sa carrière : et j’apprends aujourd’hui qu’elle réalise des saynètes vidéo à partir de banques d’images. Clément Cogitore, dont j’apprécie le travail, se fend d’un texte où j’apprends que “la narratrice fait se heurter dans un maëlstrom de voix intérieures, le consumérisme, la cruauté, le divertissement de masse, la joie, le narcissisme et la pulsion de mort”.  Réjouissant, d’avance. Le dispositif me semble assez juste, modeste, radical.

Sabrina Vitali (Papillon)

Je connais un peu son travail, mais je l’ai un peu perdue de vue : après son diplôme des Beaux-Arts qui mettait en scène un cochon vivant, Sabrina Vitali avait travaillé le chocolat, le miel, les liquides les plus gourmands. Que fait-elle maintenant, quelques années plus tard ? Les galeries d’art sont aussi là pour nous donner des nouvelles des artistes, plus ou moins régulièrement. Et je vois, d’après la petite photo d’une œuvre et la liste des matériaux qui la composent, que Vitali semble se diriger vers une approche plus moléculaire, qui n’est pas pour me déplaire.