Anaël Pigeat

Critique d’art, journaliste et commissaire d’exposition

Crédits : Michael-Huard

Anaël Pigeat est critique d’art, journaliste et commissaire d’exposition. Ancienne élève de l’Institut Courtauld de Londres, elle a été rédactrice en chef de la revue « art press » avant de devenir editor-at-large du mensuel « The Art Newspaper France ». Par ailleurs, elle contribue au cahier culture de « Paris Match ». Sur France Culture, elle a été chroniqueuse dans « La Dispute », productrice de « Master Classes » et de séries « A Voix Nue ». Elle produit le podcast, « Phonomaton », avec lequel elle a notamment réalisé la série « Paroles du Louvre » avec 12 artistes. Elle se consacre enfin à la création dans ses formes les plus actuelles à travers des ouvrages tels que « Cinéma Martial Raysse » (Les Presses du Réel, 2014), « Effervescence de la peinture dans l’art contemporain » (Flammarion, 2021), « Alice Neel » (Flammarion, 2022). Elle a été commissaire d’expositions consacrées à la jeune scène contemporaine, « Entre tes yeux et les images que j'y vois » (2022) à la Fondation Pernod Ricard, « Jennifer Douzenel. Out of the Blue » (2022) à l’UNESCO, « Dana Schutz, le monde visible » (2024) au musée d’art moderne de Paris, « L’art et la vie et inversement » (2025), Beaux-Arts de Paris.

Promenade au fil du Paris Gallery Weekend

Comme il est joyeux de découvrir les programmes des uns et des autres, et de faire mes choix de visites pendant le Paris Gallery Weekend. J’ai toujours plaisir à voir les expositions de Andréhn-Schiptjenko, galerie suédoise qui, depuis qu’elle s’est installée à Paris, apporte un air nouveau : des artistes du Nord que l’on a peu vu ici, ou d’autres issus d’une jeune scène parisienne. La première exposition de Siri Derkert (1888-1973) à Paris, où cette dernière a vécu un temps, attise ma curiosité : une figure de peintre moderniste engagée pour le droit des femmes. Une autre artiste historique est présentée pour la première fois à Paris chez Anne Barrault, Lalitha Lajmi (1932-2023). L’exposition est une Carte blanche offerte à la commissaire et critique d’art Skye Arundhati Thomas. Née à Calcutta, cette artiste se représente souvent dans ses images, peut-être une façon de parler du monde en parlant d’elle, par des traits oniriques qui composent une atmosphère silencieuse et intérieure.

J’avais connu le travail de Marianne Berenhaut (née en 1934) il y a quelques années dans une exposition de groupe au Centre Wallonie Bruxelles. La voici qui réapparait dans Bluebird, une exposition de la Dvir Gallery. Installée à Tel Aviv et Bruxelles, cette galerie s’est également installée à Paris, à l’occasion de ses 40 ans en 2022. Le titre de l’exposition est emprunté à Charles Bukowski : c’est l’histoire d’un oiseau bleu qui chante toujours un peu la nuit, en secret. Mircea Cantor et Miroslaw Balka seront de la partie, ainsi que Florian Pumhösl, dont je n’ai encore jamais repéré le travail. Non loin de là, dans le nouvel espace de Mor Charpentier, j’irai revoir les œuvres de Liliana Porter, née à Buenos Aires en 1941. Je m’étais intéressée à ses saynètes miniatures, joueuses et vertigineuses, à la Biennale de Venise en 2017, puis dans l’ancien espace de la galerie rue de Bretagne quelques années plus tard.

Chez Semiose, une galerie dont je ne crois pas avoir raté beaucoup d’exposition depuis plus de quinze ans, j’irai revoir les peintures d’Anne Neukamp, qui exposait à Paris au début des années 2000, et qui enseigne aujourd’hui à l’école des Beaux-Arts de Dresde. De ses tableaux, j’ai le souvenir que les formes échappent, énigmatiques, critiques, au bord d’une démarche conceptuelle mais toujours sensuelle. Et puis j’irai à la galerie Suzanne Tarasiève voir l’exposition d’Anne Wenzel, dont les œuvres en céramique m’avaient marquée pour la première fois dans une exposition de Daria de Beauvais à la Galerie des Galeries en 2012.

Il y a aussi beaucoup de jeunes artistes par lesquels j’aimerais me laisser surprendre pendant ces quelques jours, comme Laura Garcia Karras, née en 1988, chez Anne-Sarah Bénichou : je suis curieuse de ses représentations de la nature, réalisées tour à tour au pinceau et au scalpel. Autre découverte en perspective chez Ceysson & Bénétière : Stéphané Edith Conradie, née en Namibie en 1990. Ses sculptures composées de bibelots trouvés et de verre à l’uranium, qui questionnent les déplacements historiques et les identités, ont arrêté mon regard. Je me demande à quoi ressemble la « lueur surnaturelle » que produit ce matériau sous la lumière UV. Connue pour les artistes historiques qu’elle représente, la galerie ne cesse de se réinventer dans ses nombreux espaces en France et à l’étranger. Stéphané Edith Conradie a été invitée à séjourner dans la résidence de la galerie à La Chaulme, en Auvergne.

Le Gallery Weekend sera aussi l’occasion d’aller faire un tour dimanche à Romainville pour voir en particulier l’exposition préparée par Vincent Sator, De l’effacement de la figure humaine qui réunit notamment Renaud Auguste-Dormeuil, Djabril Boukhenaissi et Kelly Sinnapah Mary, mais aussi Raphaël Denis, Gabriel Leger, Éric Manigaud et Bruno Pélassy, et Alessandro Di Lorenzo, tout juste diplômé des Beaux-Arts de Paris. Et puis il y aura évidemment toutes les portes poussées qui s’ouvriront sur de bonnes surprises.

  • Anaël Pigeat