Matthieu Lelièvre

Historien de l’art et commissaire d’exposition

Mathieu Lelièvre - Crédit photo Elise Vion-Delphin

Historien de l’art et commissaire d’exposition, Matthieu Lelièvre a notamment travaillé pour le Musée des Arts décoratifs, la galerie Thaddaeus Ropac et le Palais de Tokyo à Paris avant de rejoindre le macLYON en tant que conseiller artistique puis responsable de la collection du musée. Au-delà d’expositions de groupe, ses récents commissariats ont présenté le travail de Maxwell Alexandre (Casa Encendida, Madrid), Jesper Just, Mary Sibande, Jasmina Cibic, Edi Dubien (macLYON), Thameur Mejri (Fondation Kamel Lazaar, Tunis) ou Ugo Schiavi (MBA Orléans). En 2024 il assurera le co-commissariat du 60ème October Salon, la Biennale de Belgrade.

Un fil rouge de nature et de photographie s’impose à certains flâneurs de cette édition du Paris Gallery Weekend, avec une déambulation qui convie au voyage ; une invitation à renouveler notre regard sur l’environnement naturel ou anthropique et à prendre conscience de la façon dont on le traverse comme il nous traverse.

Tout d’abord, le bonheur de retrouver le travail de Daniel Steegman Mangrané dans une double exposition dont le PGW est le point de jointure. La pensée férale, qui qualifie une espèce domestiquée qui croît en dehors de la culture qui l’a générée, sera développée chez Esther Schipper à travers une série de photographies prise au Parc National de Tijuca, une forêt tropicale fruit d’un reboisement, tandis que chez Mendes Wood DM, des yeux de chien au regard désincarné, enserrés dans les fragments d’un chêne tricentenaire mort récemment à cause de la sécheresse qui frappe la Catalogne semblent interroger les circonstances de la dégradation climatique en créant un enchevêtrement de perspectives entre le regardeur et le regardé. 

Plus à l’Ouest, la Galerie Nathalie Obadia avec l’exposition monographique de Laura Henno intitulée Grande Terre, présentera des films et des photographies réalisés dans l’archipel des Comores, qui cherchent à mettre en avant la complexité de ces espaces insulaires tout en décryptant les tensions sociétales qui les traversent. Cette transcription par la photographie du paysage, nous la retrouverons dans l’exposition d’Ilanit Ilouz, dans le nouvel espace de la Galerie Anne-Laure Buffard. En intitulant son exposition Sel noir, la photographe s’intéresse à ces liens invisibles mais forts qui existent entre le paysage traversé par les civilisations et l’histoire personnelle et familiale, dressant un inventaire poétique et sensible des paysages. 

Une spéculation sur la construction de l’idée de nature dont Julian Charrière a souvent proposé de très convaincantes observations et que l’on ne résistera pas à aller admirer à la galerie Perrotin. Panchronic Garden s’annonce comme une nouvelle expédition passionnante, fruit d’une collaboration entre l’artiste et des scientifiques, musiciens, ingénieurs et philosophes se livrant à la déconstruction de nos certitudes en matière d’environnement. 

Un voyage scientifique qui se poursuivra en Grèce et en Turquie grâce à Laurent Montaron, présenté chez Anne-Sarah Bénichou qui nous transporte à son habitude dans les méandres de l’histoire, des technologies et de la modernité. Un voyage archéologique et dans le temps auquel nous ont habitués Joana Hadjithomas & Khalil Joreige que l’on peut être impatient de retrouver avec une nouvelle série de tapisseries, à la galerie In Situ-fabienne leclerc à Romainville. 

Mais il ne faut pas nécessairement parcourir le monde ou le temps pour trouver son coin de nature, comme le rappelle Didier Boussarie à la Galerie Maria Lund, où le peintre retrouve dans son « étang communal » un paysage en commun pour une poésie publique… devenu, toujours en peinture, un voyage mental et mystérieux avec les paysagens du brésilien João Trevisan à la galerie RX&SLAG.

Mais ce ne sont que quelques noms d’un voyage qui nous occupera tout le printemps.