Galerie Droste

Carte blanche donnée à Laure Saffroy-Lepesqueur

Laure Saffroy-Lepesqueur, Portrait, Galerie Droste, 2023, credit Christian Koopmans

Galerie Droste donne carte blanche à Laure Saffroy-Lepesqueur

Exposition “ART IS A SERIOUS GAME” du 16 mai au 15 juin 2024

Originaire de Rouen, Laure Saffroy-Lepesqueur vit et travaille à Paris depuis ses études à l’École du Louvre, dont elle sort diplômée en histoire de l’art et en muséologie en 2018. Spécialiste du XIXe siècle et du début du XXe siècle, elle a consacré ses recherches à l’entrée des femmes à l’École des Beaux-Arts de Paris et à la séance de pose. Elle est aujourd’hui artiste-auteur, Gallery Manager au sein de la Galerie Droste et commissaire d’exposition indépendante. Laure Saffroy-Lepesqueur est également la cofondatrice, avec Jeanne Mathas, de l’association « Nous sommes au regret » qui rend un hommage contemporain au Salon des refusés de 1863.


Ici, les murs ont des oreilles – faites très attention à ce que vous dites – les héros, un peu de ventre, les natures mortes renaissent et les illusions font en sorte d’être bien visibles.

Ailleurs, et aux alentours de 1483, Sandro Botticelli appose un dernier coup de pinceau à son œuvre Vénus et Mars. L’œuvre, longtemps et souvent analysée sous l’angle du beau, du spirituel et de la grâce absolue se révèle autrement plus complexe dans des lectures contemporaines qui en sont faites (1) : en exhumant des archives écrites, populaires et parodiques, on découvre un Botticelli burlesque et grivois, moquant avec habileté et désinvolture certaines convenances et faisant de Mars et Vénus un duo se heurtant aux vicissitudes d’une vie de couple qui n’a plus rien de divin. Il dort et ronfle même sans doute. Elle le regarde, déçue et désenchantée. Les petits faunes autour d’eux ne manquent pas de saisir le comique de la situation et de s’en moquer. Voilà Botticelli qui se délecte et s’amuse. Sans renoncer à sa touche si sensible et si méticuleuse, son pinceau ricane et sourit.

C’est cette toile qui a été envoyée, en guise d’exemple, aux artistes de l’exposition, simplement pour signifier qu’une toile pouvait toujours en cacher une autre. De là, “Art is a serious game” a commencé à se rire sérieusement des poncifs qui feraient de l’art et de son histoire une affaire strictement sérieuse et a cherché à ne pas nier la jouissance qu’il y a à pouvoir créer quelque chose de drôle. Les huit artistes contemporains invités à participer à cette exposition se sont prêtés ou ont prêté leur œuvre à l’exercice d’offrir une réflexion profonde sur l’humour et de créer une blague en forme d’histoire de l’art.

Avec une pincée d’impertinence et juste ce qu’il faut de dérision et de recul, les œuvres présentées à l’occasion de cette exposition tentent de déjouer certaines règles et de souligner quelques clichés. Avec un humour noir, un rire jaune, voire un regard rose bonbon, ces artistes réfléchissent aux notions de réécriture, d’ironie, de trompe l’œil, de langage et de goût qui régissent l’histoire de l’art ou qui dictent parfois les codes de l’art contemporain.

Malgré leur différence de tons et de facture, plusieurs choses reviennent et lient ces artistes : l’anti-héros côtoie des symboles, les chiens sortent de leurs carcans habituels, les corps s’émancipent parfois malgré eux, le baroque flirte avec le kitsch et les jeux de mot vont bon train. Tout se répond avec malice et entendement : l’art où l’humour peut se loger, finement ou ostensiblement n’en est pas moins beau, ou pas moins profond. Et dans sa douce insolence il est parfois simplement moins hautain que de longs discours qui veulent dire la même chose : l’amour, le théâtre de la vie, la mort, le désir. L’histoire, l’enfance et la beauté.

L’art est un jeu très sérieux. Nous discutons de superbes gestes et couleurs avec un air parfois terrible. Il est tellement sérieux qu’il est bon parfois de se souvenir qu’il est le produit le plus sensible d’humains des plus attentifs. Seulement, il arrive que les artistes, qui sont aussi des humains, rient parfois ; cela ne les a jamais empêchés d’en être des bons.

« Pour ce que rire est le propre de l’homme» (2)

par Laure Saffroy-Lepesqueur

1) Stéphane Toussaint, Le Songe de Botticelli, Paris, Hazan, 2022

2) Rabelais, Gargantua, 1542

Avec Willehad Eilers, Adrien Eyraud, Cléo Garcia, Karine Hoffman, Margaux Laurens-Neel, Eve Malherbe, Sarane Mathis et André Wendland

Karine Hoffman, How are you Banana?, 2018, huile sur toile, 195 x 130 cm, 77 x 51 in, Unique