CLAUDE BERNARD

Lee Jin Woo (Séoul, 1959). Vit et travaille à Paris. La réaction au colonialisme coréen des années 1970 a donné naissance à une génération d’artistes en rupture avec le passé immédiat : le groupe Dansaekhwa (peinture monochrome en coréen) a commencé à explorer les limites physiques des matériaux et leur capacité à interagir avec le spectateur, ainsi qu’à approfondir leurs racines spirituelles orientales, telles que le taoïsme, le confucianisme ou le bouddhisme. Lee Jin Woo appartient à la génération suivante, partageant des similitudes formelles avec ce mouvement (matière, papier Hanji) mais sans affirmation du contexte politique antérieur.

Le travail de Lee Jin Woo se réalise dans un environnement d’épuisement physique et mental. Le charbon compacté dans des couches transparentes de papier Hanji est traîné avec force par un pinceau métallique dans un mouvement répétitif épuisant. Sur la surface, des reliefs rugueux et escarpés sont créés, qui font référence à un possible paysage intérieur. C’est ce processus de soustraction du charbon et son esprit d’alchimie qui conduisent l’œuvre de Lee Jin Woo au silence. Un silence qui transforme l'”objet” en abstraction. L’intention de l’artiste coréen est de supprimer toute volonté cognitive pour se rapprocher du “je” intérieur.

Comme dans les peintures noires d’un Ad Reinhard, ou les dernières peintures sombres de la chapelle Rothko à Houston, ici l’œil doit interagir pour donner de la “lumière” à l’œuvre. Un regard attentif, prolongé et profond, nécessaire pour approcher le spirituel. L’artiste travaille un peu comme un “chaman” qui, par un travail physique intense, dépasse une certaine intention formelle pour canaliser toute son énergie dans sa peinture. Son travail est intuitif et ouvert – ses œuvres sont sans titre – pour Lee Jin Woo la discipline artistique n’est pas un but en soi, mais un canal de méditation où il développe son travail dans de longues périodes d’élaboration, devenant ainsi une philosophie de vie.

Dans ce processus d’alchimie personnelle, Lee Jin Woo, conscient de l’origine du charbon, le récupère pour générer des paysages visuels et mentaux qui font écho à l’origine et à la fin de l’existence de l’homme. L’ambivalence entre une dimension contemplative et une autre plus tendue converge dans ses compositions.

Né d’un père architecte, Lee Jin Woo est diplômé des Beaux-Arts de l’Université de Sejong (Corée) en 1983 et de l’Université de Paris VIII en 1986. Il a actuellement son atelier à Paris, avec des séjours à Pékin et Séoul ces dernières années. Son travail figure dans de grandes collections à travers le monde et a été exposé en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Chine et au Japon.

Exposition personnelle de Lee Jin Woo

Du 16 mai au 29 juin 2024