Gaudel de Stampa
Hatice Pinarbaşi
SILENT CHORAL
Vue d'exposition, Hatice Pinarbaşi, SILENT CHORAL, photo: Aurélien Mole, Courtesy: Gaudel de Stampa & l'artiste
C’est un cri silencieux, de ceux qu’on étouffe qu’Hatice Pinarbaşi présente dans Silent Choral. Un chant voilé, un cri brûlé, une lamentation muette… Plus qu’une mélodie à écouter, ce sont des voix qu’il faut entendre. Il s’agit de franchir la frontière, ce rideau de perles et de tessons de verre, pour pénétrer dans le monde des fantômes et des invisibles. Là, de longs voiles pendus ou suspendus, se dressent suggérant des corps, drapés, enflammés, maquillés – de ces formes coulantes émergent des visages en tension. Chaque note de musique révèle des expressions faciales, et c’est un véritable chœur qui se déploie et nous observe, prêt à faire vibrer ses cordes. On en appelle à la puissance de la musique – unir ses voix et faire résonner les poitrines, former un corps collectif à l’unisson, en harmonie. De la puissance du chant qui envoute, regroupe, enchante ou fait frémir.
Par le drapé qui suggère, offre autant qu’il dissimule et protège, l’artiste convoque le voile pour évoquer l’histoire politique du corps des femmes, comme pour donner corps à la peinture, afin d’incarner celles qu’on érige en muse ou qu’on piétine en victime. L’artiste invite les fantômes de son enfance, de la culture kurde dans laquelle elle a grandi, aux voix sourdes de l’Alévisme qui habitent sa pratique.
Il s’agit ici d’ouvrir le rideau, de lever le voile sur les choses qu’on ne saurait taire. Et comme pour pallier ce silence, l’artiste pousse un cri. Puisant dans l’oralité des formes, en empruntant le langage de la musique, des mathématiques, des signes et des symboles, Hatice Pinarbaşi compose une langue étrange, analphabète et vindicative.
Il faut bien inventer une langue nouvelle pour dire ce qui est tut, il faut bien écouter la voix des fantômes pour faire résonner les vivant.e.s.
Juliette Lecorne
avril 2023
Exposition du 20 avril au 08 juin 2023.
La galerie
Créée en 2008 dans une boutique du quartier de Belleville, la galerie Gaudel de Stampa actuellement installée dans une ancienne salle de bal du Quai des Grands Augustins, ouvre aujourd’hui rue La Fayette, devant la Gare du Nord, son nouvel espace en étage.
Si la plupart des artistes représenté.e.s ont bénéficié de leur première exposition personnelle en galerie, d’autres apparaissent comme les maillons d’une programmation constamment renouvelée.
Les artistes de la galerie
Hildegarde Duane & David Lamelas, Delia Cancela, Gijs Milius, Morten Norbye Halvorsen, Rafael Moreno, Christophe de Rohan Chabot, Andrea Romano, Sabrina Röthlisberger, Alice Theobald, Michael Van den Abeele, Gaia Vincensini, Lina Viste Grønli, Jessica Warboys
Galerie sélectionnée par Anne Dressen et Céline Poulin