Crèvecoeur
Wolfgang Matuschek , Autriche
Wolfgang Matuschek, Untitled (Boxes 1), 2023 Ink on paper in aluminum uv glass clipframe, 25 cm (diameter) Courtesy of the artist and Crèvecoeur, Paris.
Wolfgang Matuschek a pensé intituler son exposition « Buildings » mais finalement non. Cette idée lui est venue parce que l’ancien étudiant en architecture qu’il est aime à se questionner sur la définition de ce qu’est un bâtiment. Ce qui le définit en tant que tel. A quel moment il est considéré comme tel, c’est-à-dire comme un produit architectural fini. A regarder de près les éléments et les détails qui semblent parfois déployés à l’infini dans les dessins de Matuschek, les toits, étranges et changeants, jouent un rôle prépondérant dans la structure de ses compositions. De même ce sont très souvent eux qui, en la ponctuant, définissent la forme d’un bâtiment. L’enchevêtrement des plans complexifie encore d’avantage l’appréhension des images créées par Matuschek. A la multitude de détails qui s’y perdent s’ajoute le sentiment d’infini que procure la rigueur de son trait hérité des techniques du dessin d’architecture. Cette méticulosité révèle une sensibilité extrême, à la manière d’un Hercules Seghers, maître de la gravure et influence majeure de Rembrandt. Il utilisait sa virtuosité technique au service de la production d’une imagerie paysagère qui n’était jamais la représentation de quelque chose de tangible mais d’une image mentale, de l’ordre du souvenir ou de la rêverie. Dans les paysages mentaux de Matuschek le temps semble être aplani, l’urgence a disparu, l’extrême calme est inquiétant. Le ciel s’assombrit au fond de l’image et le souffle du vent devient perceptible : les lampes suspendues sont légèrement inclinées et font vaciller la composition. D’avertis observateurs y ont vu un surréalisme qui confère à une forme de sur-naturalisme*. On pense alors à un naturalisme tardif, un naturalisme néo-post qui aurait enjambé le XXe siècle, et probablement aussi le XXIè siècle, pour renaître des cendres encore chaudes de la disparition de l’humanité. Pour cette exposition orpheline de titre mais que l’artiste aurait aimé intituler «Buildings », même les oiseaux, témoins récurrents des scènes doucereusement apocalyptiques de ses dessins précédents, ont disparu. Le vivant a définitivement cédé la place au représenté. Les animaux ne sont plus des acteurs du paysage mais des vecteurs de complexification des jeux de mise en abyme de l’artiste. L’image dans l’image, un de ses intérêts majeurs, devient le sujet central de cette série de tondo. Seules quelques boîtes en cartons vaguement anthropomorphiques, oubliées ça et là sur des étagères d’usines désaffectées, rappellent que l’homme aurait été à l’origine de ce monde disparu. A l’origine pourtant il y a ce chien cartoonesque que Matuschek a griffonné, mû par sa fascination pour le processus de création de caractères fictionnels. Les crayons intitulés Characters notes évoquent ses mood boards mentaux confectionnés à l’aide de captures d’écran. Imprimés, jetés au hasard, il conçoit autour d’eux leur support: guéridons, tasses de café, cendriers fumants forment le décorum de ce brainstorming sur lequel on reconnaît quelques illustres personnages : Bunsen and Beaker, Wile E. Cojote, entre autres. Dans cette galaxie d’icônes fictionnelles trônent Mysterious Pete et son chien, the Hound of Bunkerville. Exfiltrés du comics de Lyonel Feininger, The Kin-der-Kids (1906), ces inquiétants messagers que véhicule un nuage, apparaissent désormais sur des panneaux d’affichage et ne semblent plus disposer du pouvoir d’influence narrative que leur avait conféré le maître americain. L’intrigue semble elle aussi avoir disparu au profit des billboards et de la grande réclame où gisent les personnages de Matuschek. Hagards ? A moins que tout cela ne soit un leurre, que nous soyons bernés par la répétition des mises en abyme de ces images et que l’artiste nous cache bien mystérieusement l’intrigue qui se noue sous nos yeux.
*Cf. Ernst Yohji Jaeger
Exposition du 03 mai au 03 juin 2023.
La galerie
Crèvecœur, fondée en 2009 par Axel Dibie et Alix Dionot-Morani, présente depuis sa création des artistes français et étrangers dont les différentes pratiques questionnent les conditions actuelles de production des images et objets. La galerie se considère comme un organisme qui soutient ses artistes dans les différentes étapes de la production, de la demonstration et de la diffusion de leur pratique.
Par le développement du programme à l'intérieur de 3 espaces galerie différents à Paris (160 m² situé dans le 20e et 100 m² situé dans le 7e) ; par la co-création de la foire Paris Internationale en 2015 ; et par le soutien à la production des expositions institutionnelles des artistes représentés, Crèvecœur est une entité qui vise à s'adapter de manière organique aux systèmes complexes que vivent les artistes contemporains aujourd'hui.
Les artistes de la galerie
Xavier Antin • Erica Baum • Anne Bourse • Sol Calero • Julien Carreyn • Than Hussein Clark • Mathis Collins • Miho Dohi • Alain Guiraude • Ernst Yohji Jaeger • Renaud Jerez • Ad Minoliti • Shana Moulton • Yu Nishimura • Mick Peter • Florian & Michael Quistrebert • Autumn Ramsey • Sara Sadik • Louise Sartor • Naoki Sutter-Shudo